Pulse était le « portrait du mois » d’avril 2022 dans le magazine Gestion de Fortune. Article rédigé par Madame Véronique Pierron.
Ils sont quatre. Quatre garçons dont l’ambition est de casser l’image ancienne et « parfois poussiéreuse », selon eux, du family office en le faisant entrer dans le XXI. Pour ce faire, ils viennent de créer leur cabinet : Pulse Néo family office. Portraits croisés de personnalités aussi différentes que complémentaires.
Leur rencontre, c’est un peu l’histoire d’un coup de foudre professionnel et amical. Assorti d’une bonne dose de culot. Et il en faut pas mal pour créer en début de carrière un family office avec l’ambition audacieuse de secouer les tapis confortables de la profession et d’en ouvrir les alcôves ultra-confidentielles. Car c’est bien l’objectif de la création de Pulse Néo par ces quatre millennials : donner à la profession une image rajeunie et « l’ancrer définitivement dans le XXI siècle ». Nous nous retrouvons dans le bar de l’espace de co-working ou ils louent leurs bureaux. Un lieu spacieux et lumineux dont les vastes baies vitrées servent de cadre à la flopée de colonnes sculptées du Palais Brongniart.
Fidèles à leurs convictions, ils n’ont pas parié pour un cabinet hors de prix dans le 8ème arrondissement de Paris, mais optent pour cet espace de travail partagé au cœur du quartier de la Bourse, « Nous n’avons pas besoin de 100 mètres carrés de locaux, c’est inutile. Nous nous agrandirons au fil du développement du cabinet », lance de cet air calme qui le définit Mathieu Panhard. A 36 ans, c’est un peu le pilier du groupe, le large d’épaules sur lesquels les tempêtes se brisent.
Des incertitudes de la jeunesse, ils en font une force. Exit les fauteuils trop confortables où on s’assoupit, les bureaux grands comme des navires qui tiennent le client à l’écart d’un monde inaccessible, celui de son propre argent. Leur conception est différente. Pour eux, tout doit être mis en œuvre pour réconcilier les clients avec leur patrimoine en éliminant les barrières anxiogènes.
Imperméable à la pression
Le stress, Matthieu connait. Mais après avoir passé une dizaine d’années dans le bouillonnement des marchés boursiers, il avoue être « imperméable à la pression. Je garde toujours mon calme, mais quand je me mets en colère, c’est la fin du monde », sourit l’entrepreneur dont le passe-temps favori, est la chasse « pour les grandes randonnées et la nature, insiste-t-il. Je ne suis pas un fana de la gâchette ».
Modernes, Matthieu, Hugo, Maxime et Thomas le sont résolument. Des petits gars en jeans et baskets, à l’aise dans leur génération. Ils parlent. Ils se racontent. Ils ont cette éloquence fraîche et enthousiaste des néo entrepreneurs. Devant eux, il leur reste un monde à construire. « Notre nouveauté, c’est notre jeunesse », affirme Hugo Limonne avec cette mine rêveuse encore accentuée par les verres épais de ses lunettes rondes. « Et ça, c’est vraiment incongru car en général le family office est plutôt un métier de fin de carrière », ajoute encore le conseiller de 35 ans. C’est l’amateur d’art du groupe. Collectionneur, son violon d’Ingres est d’aller chiner au moindre moment de liberté, pour débusquer mobilier et objets d’art des XVIII » et XX siècles.
Entre eux, le courant est passé tout de suite. Ils se rencontrent tous en 2019 chez MJ&Cie, un fameux cabinet de family office où ils se retrouvent embauchés en même temps. Hugo y travaille depuis huit ans déjà, avec la sensation « d’avoir atteint le plafond de verre ». L’arrivée de ces nouveaux collaborateurs est une bouffée d’oxygène. C’est Maxime H. Boudal, 29 ans, qui le rejoint en premier en 2018 dans le même département Tax & Legal. Maxime le philosophe. Et dans son cas, ce n’est pas seulement un penchant de l’esprit puisqu’il étudie cette discipline le temps d’une licence, la seconde sera vouée au droit. « J’adore la philosophie mais j’ai déchanté le jour où on m’a dit qu’avec un tel bagage je deviendrai SDF ou prof », se souvient-il avec humour. « Mais ça reste mon point d’ancrage, celui auquel je me raccroche dans mon quotidien ». Tout un art de vivre puisqu’il est aussi féru de sports de combat. En avril 2019, Matthieu les rejoint puis le benjamin de l’équipe, Thomas Chéreau en juillet. Lui, son dada, c’est la finance. Et pas seulement une toquade. Il a 12 ans lorsque la crise des subprimes explose. « Ca m’a fasciné d’autant plus que je n’y comprenais rien ». Depuis, ce passionné de courses automobile de 26 ans n’a eu de cesse de soulever capots de voitures ou de fonds d’investissements, histoire de voir ce qu’ils ont dans le ventre.
De nouvelles opportunités
« On a très vite travaillé ensemble et avec une très grande facilité et lorsqu’on allait de temps en temps prendre un verre, on parlait de créer ensemble notre propre société mais ce n’était pas encore d’actualité », raconte Thomas. L’actualité vient vite.
Tout change en 2020. Le monde entier est bouleversé par une crise inédite. Les habitudes de travail sont soudain plongées dans une vraie révolution. Des méthodes innovantes s’imposent alors, celles dont rêvait toute une génération. Télétravail, horaires flexibles, digitalisation. Un monde à parfaire dans une profession où ces notions restent incongrues. « Le covid a rabattu les cartes en créant un appel d’air qui nous a offert de véritables opportunités », relate Matthieu, petit sourire mi-sérieux, mi-sarcastique en suspension aux coins des lèvres.
Soudain, leur propre vision du métier de family office devient constructible. Un univers dématérialisé et transparent où conseillers et clients ne s’abrutissent plus de conventions inutiles. Tout n’est pourtant pas si facile comme l’explique Maxime : « si on avait une vision « nouvelle école » du family office, à la base nous sommes tous des techniciens, aucun de nous n’est un commercial et le vrai pari a été de prospecter ». Un enjeu d’autant plus difficile que « dans l’esprit des gens, c’est un métier ancien où ils n’imaginent pas des jeunes faire de l’accompagnement de familles et d’entrepreneurs », grimace-t-il. Mais les embuches, les difficultés, ça ne les effraie pas. Pas plus que les montagnes à gravir. Ils lancent leur cabinet en septembre 2020. Leur concept fonctionne tout de suite. Très vite, ils conquièrent la gestion du capital de huit familles. Des clients qui, de 20 à 70 ans, brisent l’immobilisme des idées reçues et ne rechignent pas à converser avec leur conseiller uniquement en visio. L’effet Pulse est passé par là. Ils mettent en place une stratégie de dématérialisation totale. « Avant, on passait 45 minutes du temps d’entretien avec un client à le faire signer de multiples documents », observe Hugo. « Aujourd’hui, nos rendez-vous clients sont de vrais rendez-vous ».
Une nouvelle référence du family office
Si le fond de leur métier est toujours aussi pointu et technique, la forme change et devient plus décontractée. Ils inaugurent même le tutoiement dans un monde où il n’existe pas et communiquent via WhatsApp. La forme n’importe pas comme le prévient Matthieu : « On nous juge sur la performance et on peut encore moins tricher car aujourd’hui, il faut être hyper technique ». Bref, une vision inédite du métier où « on ne fait pas semblant d’être infaillible, quand on ne sait pas, on le dit car notre métier n’est pas d’être des micro-chirurgiens mais des généralistes », précise Maxime. Et ça marche. Les clients apprécient l’humilité de leurs jeunes conseillers mais aussi une transparence revendiquée où la tarification 100% en honoraires est sans surprise car affichée sur le site web. « On veut abattre la barrière du ticket d’entrée car pas besoin d’être Bernard Arnaud pour faire appel à un family office », relève Hugo. Aujourd’hui, ils supervisent 350 M€ […]. Ils jouent la carte de l’avenir. Dans le détail, Pulse propose du secrétariat privé et de l’investissement en gestion sous mandat pour le patrimoine coté en bourse, mais conserve un vrai rôle de conseil pour le private equity et l’immobilier. « Nos prestations s’étendent du paiement de la facture basique au conseil le plus pointu car le client cherche à avoir l’esprit tranquille », souligne Thomas. Pour l’avenir, ils ne se projettent pas en serial entrepreneurs mais comptent embaucher et faire grandir le cabinet sur tout le territoire et même au-delà des frontières. La philanthropie et les fondations font aussi parti de leurs axes de développement futurs. Leur objectif : faire de leur modèle, une nouvelle référence du family office. « Personne ne sait vraiment ce qu’est cette profession, conclut Matthieu. Et devant elle, il y a un boulevard que l’on compte bien occuper ».
Véronique Pierron.